F r é d é r i c C h o p i n
Le 22 février naquit Frédéric Chopin et son père Nicolas était fou de joie ! Le second prénom de Frédéric est François.
L'enfant plutôt délicat croissait bien : il serait blond châtain et il aurait le visage allongé comme celui des Chopin. Il avait six mois lorsque son père reçut un courrier très attendu depuis longtemps, lui spécifiant qu'il aurait un appartement à disposition et serait le collaborateur de Monsieur Linde, le directeur du Lycée de Varsovie. Il allait prendre ses fonctions le premier octobre de cette année-là.
Un jour Nicolas rentra à la maison avec un personnage singulier par son accoutrement et son physique : il s'agissait du professeur Zywny qui saluait avec son tricorne à l'ancienne mode Justyna. Il avait une soixantaine d'année et il était grand et voûté, maigre ; il avait un long nez tranchant avec une sorte de boule violacée au bout. Ses vêtements pompeux et ridicules mais entretenu : une longue redingote verte avec un gilet jaune, une cravate toute remplie de grains de tabac et une culotte puce d'où émergeait un mouchoir à carreaux. Voici ce que ce personnage curieux dit aux enfants de Nicolas et Justyna :
" L'humble professeur de piano et de violon que vous avez devant vous a vécu, dans d'autres temps, de grands honneurs ! Savez-vous que j'ai été pianiste à la Cour du roi Stanislas ? Savez-vous que j'ai été chef d'orchestre ? Savez-vous enfin que j'ai composé des Arias, des fugues, des symphonies ? Hélàs, je dois vivre à présent de modestes cachets ! Mais je me console avec Jean Sébastien Bach et Wolfgang Amadeus Mozart... Dis-moi mon garçon (en pointant un index vers Frédéric), est-ce que tu connais Jean Sébastien Bach ? et Mozart le connais-tu ?"
Frédéric resta bouche bée ; ses deux soeurs éclatèrent de rire.
"Je te les ferai connaître mon enfant et je te les ferai aimer, foi de Zywny !". Il y avait une grande ferveur dans sa voix et une grande décision qui faisait oublier son emphase et ses manières bizarres.
Frédéric demeurait calme et prit soudain conscience qu'il avait affaire à un musicien, un musicien pas comme les autres. Promptement, il se dirigea vers le piano, l'ouvrit, plaqua un accord, puis un autre, sembla se concentra un court instant et puis libéra une cavalerie de sons aigus, une pluie de notes cristallines, dont l'arabesque gracieuse et sauvage, se dessinait avec une netteté parfaite sur le jeu souple et profond de la main gauche. L'enfant était transfiguré, son visage pâlissait, ses grands yeux sombres étincelaient et puis, effrayé de son audace et s'arrêta court et rougit en s'éloignant de l'instrument.
Zywny lui posa la main sur l'épaule : "Ce n'est pas mal du tout mon enfant ! Mais où as -tu appris ce que tu viens de jouer ? Je ne crois jamais l'avoir entendu..."
Frédéric lui répondit un peu gêné :"C'était une musique que j'avais dans la tête Monsieur".
"Alors c'est mieux" , lui répondit le musicien, et puis s'adressant à Nicolas, il lui dit :"savez-vous que votre fils a l'étoffe d'un grand pianiste et peut-être d'un bon compositeur ?".
Nicolas répondit, un peu contrarié :"J'aurai voulu qu'il soit intéressé par le violon, la flûte, mais comme sa mère, il n'a que le goût du piano".
Frédéric avait lors de cette première visite de son professeur que six ans.