Bach a utilisé la fugue dans une part importante de ses œuvres. Le clavier bien tempéré, offre des modèles accomplis de la fugue pour instrument à clavier, tout comme ses fugues pour l'orgue. Ses fugues de dimensions monumentales, comme le Kyrie de Messe en Si, ou le finale du Concerto Brandebourgeois n° 5 sont des modèles qu'aucun romantique n'ignora. Les fugues ou fugatos sont par ailleurs très nombreux dans l'immense catalogue des Cantates (Ich hatte viel Bekümmernis"...) La fugue sert véritablement de langue maternelle à Bach. Ses œuvres savantes, sorte de mise en pratique de la théorie naissante, l'Offrande musicale et l'Art de la Fugue, fournissent une base solide à qui entreprend l'étude approfondie de la science du contrepoint.
Les fugues de Bach n'ont cessé d'inspirer ses successeurs, au premier rang desquels Mozart, littéralement confronté à une crise créatrice majeure, consécutive à sa découverte du maître de Leipzig alors tombé dans un relatif oubli. Bien que Mozart fût déjà en pleine possession de son génie, le savoir du grand maître transparaît dans ses œuvres ultérieures, comme le Requiem ou la Symphonie Jupiter.
Mendelssohn sera l'un des plus ardents thuriféraires de Bach, dont il aura le privilège de refaire vivre l'œuvre. Certaines des ses pages en sont de magistraux pastiches: les chorals de « Paulus », par exemple, sont des chorals de Bach imités à la perfection.
Beethoven n'ignorait rien de la fugue chez Bach, et parvient même, parfois, à le dépasser en complexité : le IIIe mouvement de la IXe Symphonie n'est qu'une vaste fugue aux dimensions titanesques, tout comme celle qui intervient après le chœur « Wie ein Held Zum Siegen » dans le IVe mouvement (la célèbre interprétation électronique de Wendy Carlos, réalisée en 1971 pour le film « Orange Mécanique », permet de percevoir avec une grande précision tout le contrepoint de ce sommet de la fugue orchestrale).
La Grande Fugue op.133, pour quatuor à cordes, illustre brillamment la forme.
La fugue a été également pratiquée par Beethoven avec une stupéfiante maîtrise dans plusieurs de ses sonates.
Les grands romantiques comme Brahms et Wagner, dans le « Tristan » duquel l'influence de Bach est patente, pratiqueront la fugue comme un savoir indispensable à la liberté d'écriture et à la maîtrise du contrepoint. Aucun grand compositeur n'ignora, ni même ne manqua d'exceller, dans la fugue.
La fugue entre dans le XXe siècle par la grande porte avec le plus savant successeur moderne de Bach, Max Reger. Cet organiste qui commença à composer sur le tard, mal connu jusqu'à récemment en France, jouit d'un prestige considérable en Europe centrale, ou son œuvre très abondante a eu une forte influence sur ses contemporains, dont Schoenberg.
Bien qu'il la maîtrisât parfaitement dans sa jeunesse encore tonale, (les chœurs à la fin des monumentaux Gurre Lieder en sont la preuve admirable), Arnold Schoenberg voulut libérer la fugue de ses contraintes tonales, ce qui peut être considéré avec une certaine réticence, comme le relève le musicologue Charles Rosen. En effet, sans les règles qui en font un exercice où la « liberté ne s'acquiert que dans la servitude », sans pivots harmoniques, sans accords, sans intervalles contrôlés, le terme de fugue peut perdre en partie son sens. Néanmoins Béla Bartok, dans le premier mouvement de sa Musique pour cordes, percussion et célesta saura proposer une véritable fugue pour cordes, dont les entrées sont parfaitement perceptibles, ainsi qu'un vrai développement, alors même que les fonctions tonales y sont très fortement élargies. Cette prouesse a été rarement égalée. Le compositeur a su exploiter le caractère répétitif de la fugue, qui permet ici à l'auditeur de mémoriser un sujet relativement complexe par son extrême chromatisme.
Ces dernières années, les déboires de l'atonalité ont remis en question l'abandon du contrepoint, corolaire de la mélodie, cette ancienne discipline n'ayant jamais, comme la fugue, cessé d'être considérée à l'école comme un exercice indispensable à la maîtrise du matériau sonore.