O quam tristis et afflicta
fuit illa benedicta,
mater Unigeniti!
Le Sant’Angelo, bien situé sur le Grand Canal près du palazzo Corner-Spinelli, ne jouissait pas d’une situation juridique très claire.
Fondé par Santurini en 1676 sur un terrain appartenant aux familles patriciennes alliées des Marcello et Capello, il ne leur avait pas été restitué au terme de la concession, Santurini continuant à l’exploiter sans titre comme si de rien n’était et malgré les démarches effectuées par les propriétaires. Cet état de fait devait perdurer au profit de Vivaldi opérant de façon officielle de l’automne 1713 au Carnaval 1715, mais aussi, le plus souvent, par l’intermédiaire de prête-noms (Modotto, Mauro, Santelli, Orsato), parmi lesquels nous retrouvons également son père.
Quant à Santurini, il devait décéder en 1719. L’opacité des opérations de gestion laissait planer le doute sur l’honnêteté de l’impresario et de ses comparses et des bruits coururent sur des détournements de fonds, des abus de confiance… Il est en outre possible que la position de Vivaldi à la Pietà permît également des arrangements favorables en matière de prestations musicales ou d’autre nature.
C’est dans ce théâtre Sant’Angelo que Vivaldi produisit à l’automne 1714 son second opéra, Orlando finto pazzo. Il annota en marge du manuscrit « Se questa non piace, non voglio più scrivere di musica » (« si celui-ci [cet opéra] ne plaît pas, je ne veux plus écrire de musique »).
De fait, et bien qu’on n’ait pas d’échos du succès de ce second opéra, il continua à en écrire et pendant les quelques années qui suivirent, ses diverses activités de compositeur, Maestro dei Concerti, virtuose du violon, impresario se poursuivirent à un rythme soutenu.
Juste à côté du Sant'Angelo à Venise
En 1715, il composa et produisit au Sant’Angelo le pasticcio Nerone fatto Cesare ; en visite à Venise, l’architecte mélomane Johann Friedrich Armand von Uffenbach venu de Francfort assista à trois de ses représentations. Il lui commanda des concertos : trois jours plus tard Vivaldi lui en apporta dix, qu’il prétendit avoir composés tout spécialement. Il se fit également enseigner sa technique violonistique et témoigna dans une lettre de l’extraordinaire virtuosité de Vivaldi :
« … vers la fin Vivaldi interpréta un accompagnement en solo admirable, qu’il enchaîna avec une cadence qui m’épouvanta vraiment car on ne saurait jamais jouer quelque chose d’aussi impossible, ses doigts arrivaient à un fétu de paille du chevalet, laissant à peine la place pour le parcours de l’archet et ceci sur les quatre cordes, avec des fugues et une rapidité incroyable, ceci étonna tout le monde ; je dois cependant avouer que je ne peux dire avoir été charmé, parce que ce n’était pas aussi agréable à entendre que ce n’était fait avec art. »