• 28. Prières et pensées de Jésus dans la vie des maîtres

    Prières de Jésus dans la vie des maîtres

     

    La vie des maîtres 3/3 Livre III

    Trois jours dans le ciel. - Reprise du travail archéologique. - Traductions instantanées. - Merveilles diverses. - Allocution de Jésus sur la pensée créatrice. - Lumière et chaleur surnaturelles

     

    Après le départ des assistants, mes camarades et moi restâmes sur place, répugnant à quitter l’endroit où nous avions été témoins d’une pareille transformation. Les mots sont inaptes à décrire nos sentiments et notre immense élévation spirituelle durant ces dernières heures.

    Les paroles « Tous pour un, un pour tous » flamboyaient toujours comme au moment de leur apparition. Nous étions dans l’incapacité d’articuler un son. Nous restâmes ainsi jusqu’au jour, sans avoir le sentiment d’être enfermés dans une salle. Nos corps émettaient une brillante lumière.

     

    Bien que nous trouvant dans une salle creusée en plein roc, nous pouvions nous déplacer sans être arrêtés par les murs. Le sol ne semblait pas exister sous nos pieds, et cependant nous allions librement dans toutes les directions. Les mots sont absolument inaptes à exprimer nos pensées et nos sensations. Nous marchâmes au-delà des confins de la salle et même de la falaise sans que rien nous fît obstacle. Nos vêtements et tous les objets environnants irradiaient une pure lumière blanche.

    Même après le lever du soleil cette lumière surpassait en éclat celle du jour. Nous étions comme dans une grande sphère lumineuse, et nous pouvions regarder à travers son cristal. Le soleil nous apparaissait lointain et comme enveloppé de brume, froid, et peu agréable en comparaison de l’ambiance où nous nous tenions. Bien que le thermomètre marquât dix degrés au-dessous de zéro et que la contrée fût couverte d’une neige étincelante, l’endroit où nous étions rayonnait d’une chaleur, d’une paix, et d’une beauté inexprimables.

    C’était une de ces circonstances où les pensées ne peuvent pas être traduites en paroles. Nous restâmes là encore trois jours et trois nuits sans penser à nous détendre. Nous n’éprouvions pas trace de fatigue ni de lassitude, et rétrospectivement il nous sembla que ce temps n’avait duré que quelques secondes. Cependant nous étions conscients de nos présences réciproques et de la fuite des heures.

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    Il n’y eut ni lever ni coucher de soleil, mais seulement un jour splendide et continu. Ce n’était pas un rêve vague, mais une réalité effective de chaque instant. Une vue prodigieuse sur l’avenir s’ouvrit devant nous.

    L’horizon parut reculer jusque dans l’éternité, ou plutôt, selon l’expression de Thomas, s’agrandir en un océan illimité et éternel de vie palpitante et vibrante. La magnificence en tenait à ce qu’elle ne nous était pas réservée, mais qu’il était donné à chacun de la contempler. Le quatrième jour, Thomas proposa de descendre à la salle des archives pour reprendre notre traduction.

    À peine eûmes-nous esquissé le geste de nous y rendre que nous nous trouvâmes tous réunis dans la pièce en question. Je laisse au lecteur le soin d’imaginer notre étonnement et notre joie. Sans le moindre effort physique de notre part et sans même en avoir la moindre conscience, nous étions descendus de deux étages en volant par-dessus les escaliers.

    Et voici que nous étions dans la salle parmi les documents sur lesquels nous avions travaillé. La pièce était illuminée, chaude et sympathique, et nous pouvions nous y déplacer à volonté sans le moindre effort. Nous prîmes une des tablettes et la mîmes en place pour l’étudier. Le texte et le sens nous furent aussitôt parfaitement traduits.

    Tandis que nous mettions par écrit la traduction, il arriva que des pages entières se trouvèrent soudain remplies d’un texte écrit de notre propre écriture. Nous n’avions plus besoin que de rassembler les feuillets et de les relier en un manuscrit. Continuant de la sorte, nous achevâmes manuscrit après manuscrit. À deux heures de l’après-midi nous en avions achevé et mis en ordre douze, de plus de quatre cents pages chacun, et cela sans éprouver la moindre fatigue de cette agréable occupation.

    Nous étions tellement absorbés par notre travail que nous n’avions pas conscience de la présence d’autres personnes dans la pièce. Tout à coup, Thomas se leva et s’avança en saluant. Nous regardâmes les arrivants.

    C’étaient Jésus, Marie, notre hôtesse, et Chander Sen. Ce dernier était l’homme des documents, que nous avions d’abord appelé le vieil homme des documents, mais que nous appelions maintenant le « jeune homme ».

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    Une table fut débarrassée et préparée pour un repas. Nous nous assîmes et après un moment de silence ; Jésus prit la parole et dit :

    « Père tout-puissant, Principe qui pénètre partout, tu irradies du plus profond de nous-mêmes sur le monde entier, tu es la lumière, l’amour et la beauté dont nous éprouvons aujourd’hui les bienfaits. Nous pouvons bénéficier éternellement de ces bienfaits si seulement nous le voulons.

    Nous nous inclinons devant l’autel où brille la flamme perpétuelle de l’amour parfait, de l’harmonie, de la vraie sagesse, de la dévotion sans fin, et de la pure humilité. Cette flamme sacrée brille sans Jamais s’assombrir. Elle émane du fond des âmes de ceux qui sont réunis en ce moment au nom de la vraie paternité, de la filiation respectueuse, et de la fraternité dévouée. Partant de ceux qui nous sont proches et chers, elle s’égrène dans l’espace, illuminant les régions les plus éloignées de la terre afin que chacun puisse apercevoir son éclat et recevoir les bienfaits de son amour immaculé et intarissable. Les rayons pénétrants de cette, lumière, de cette beauté, et de cette pureté traversent les âmes et les cœurs réceptifs de ceux qui sont réunis autour de Ton autel. Nous avons maintenant conscience de ces rayons d’amour dont le feu se répand dans tout l’univers. Nous les envoyons pour transmuer le monde, refondre et harmoniser toute l’humanité. Nous saluons le pur et véritable Christ de Dieu vivant en chacun de nous. Nous sommes debout face à face avec Dieu, égaux à lui, unis à lui. À nouveau nous saluons Dieu notre Père vivant au plus profond de nous-mêmes".

     

    Quand Jésus eut fini de parler, quelqu’un proposa de retourner dans la salle où nous avions assisté à la résurrection de Chander Sen. À peine eûmes-nous ébauché un geste vers la porte que nous nous aperçûmes que nous étions déjà arrivés. Cette fois-ci nous avions été conscients du déplacement, mais inconscients du désir. Bien que les ombres du soir fussent déjà tombées, notre chemin était parfaitement éclairé.

    Nous trouvâmes la salle éclairée avec autant de splendeur et de prodigalité qu’au moment où nous l’avions quittée. Cette pièce était pour nous une chapelle, et nous paraissait illuminée de toutes les possibilités. C’était un endroit sanctifié où il nous avait été donné d’accomplir vers la spiritualité une étape auparavant inconcevable pour nous en tant que mortsans que nous nous y réunissions avec tous les Maîtres pendant au moins une heure.

    Pendant ces réunions, la salle ne présenta jamais plus l’aspect du plein roc. Il semblait toujours que nous pouvions regarder à travers les murs jusque dans l’espace infini.

     

    C’est dans cette salle que les barrières limitant notre conscience furent supprimées. C’est là que s’ouvrit pour nous une large vue sur l’avenir.

    Nous nous assîmes tous à table, et Jésus reprit l’entretien, Il dit : Pour créer et pour accomplir, il faut être mû par des mobiles sincères et centrer sa pensée sur un point d’absorption, c’est-à-dire sur un idéal. Vous pouvez devenir ce centre. Rien ne prend forme sans que les hommes aient d’abord exprimé un idéal. Il fut un temps où l’homme était pleinement conscient d’être ce mobile central. Il vivait dans la pleine conscience de son héritage et de son domaine, dans un état d’âme que vous appelez ciel.

    Mais tous les hommes, sauf de rares exceptions, ont renoncé à ce don divin. Aujourd’hui, la grande majorité d’entre eux est absolument inconsciente de cette qualité divine qui est le véritable héritage de l’humanité. Ce qu’un homme a fait une fois, il peut l’accomplir de nouveau.

    Tel est le principe qui commande à la suite indéfinie des vies et manifestations que vous apercevez autour de vous. Il régit également votre vie et celle de toute créature existante, car toute création possède la vie. Avant longtemps, la science vous fournira d’amples motifs pour affirmer que la matière n’existe pas.

    Toute matière peut se réduire à un élément primitif unique qui contient d’innombrables particules universellement distribuées, toutes en parfait état d’équilibre, et répond à des influences vibratoires.

    Sur le seul terrain mathématique, il s’ensuit qu’il a fallu une impulsion définie, une action initiale, un pouvoir créateur pour rassembler une infinité de particules de cette substance neutre, universelle et ultra-pénétrante, et leur donner la forme d’objets sélectionnés. Ce pouvoir ne prend pas naissance uniquement dans la particule. Il est plus vaste, et cependant uni à la particule. Par la pensée et par une action définie, on coopère avec le système vibratoire et l’on sélectionne les particules. Par la logique de ses déductions, la science physique sera obligée de se rallier à cette manière de voir

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    incompris parce que inactif, mais inactif seulement parce que incompris. Quand l’homme l’aura compris, aura communiqué avec lui, et en aura matérialisé l’application, il verra que ce pouvoir ou principe est parfaitement susceptible de délimiter des zones spécifiques pour la mise en œuvre spécifique de l’énergie cosmique universelle. Cette mise en œuvre conduit par une évolution logique à la construction de ce que vous considérez comme un univers matériel avec toutes ses manifestations. Du moment que tout se fait logiquement, chaque stade doit préparer à la perfection les fondements du stade suivant. Quand on progresse dans un ordre parfait, dans une harmonie complète de pensée et d’action, on est en accord effectif avec le pouvoir.

    Celui-ci vous procure alors sur une échelle illimitée la faculté de sélectionner les moyens en vue d’un but On distribue la vie et l’énergie selon une progression cosmique dont l’ordre est reconnu. L’univers ainsi construit n’est pas matériel comme vous l’avez pensé. Votre définition matérielle n’est pas bonne. L’univers est spirituel, car il provient de l’Esprit. Cette affirmation est logique, certaine, fondamentale. Du moment qu’elle est logique, elle est scientifique. Si elle est scientifique, elle est intelligente. C’est la vie unie à la vie intelligente. Or, la vie couplée avec l’intelligence et guidée par elle devient volonté, et par là même vocation. L’esprit est le pouvoir vibrant, primaire, originel. On peut prendre contact avec lui et se servir de sa puissance. Il suffit de l’accepter, de savoir qu’il existe, puis de le laisser s’extérioriser. Il est alors entièrement à vos ordres et devient une source intarissable de vie éternellement neuve, jaillissant du fond de vous-mêmes. Nul besoin de longues années d’étude, d’entraînement, de souffrances, ou de privations. Connaissez l’existence de cette vibration, acceptez-la, puis laissez-la s’écouler à travers vous. Vous ne faites qu’un avec la grande substance de la pensée créatrice et ceci vous permet de savoir que toutes choses existent. Il n’y a rien en dehors du grand et bon principe de Dieu qui remplit tout l’espace. Dès que vous savez cela, vous êtes ce principe. Vous amplifiez son activité par vos pensées, vos paroles, et vos actes quand vous l’exprimez en vous prévalant de votre pouvoir de Christ. Plus vous exprimerez ce pouvoir, plus il affluera vers vous. Plus vous donnez, plus vous serez comblés de choses à donner, et ce sans jamais pouvoir épuiser toutes les réserves. Cela ne signifie pas que vous deviez vous rendre en un lieu secret pour vous isoler. Il s’agit de rester à votre place, dans le calme, même dans ce que vous appelez le tourbillon des affaires ou au milieu des épreuves les plus dures. Alors la vie cesse d’être un tourbillon. Elle devient obligatoirement paisible et contemplative. L’activité extérieure n’est rien en comparaison de la grande activité de pensée que vous comprenez maintenant et à laquelle vous vous unissez. Celle-ci consiste à devenir calme là où vous êtes. Percevez Dieu en vous, plus voisin que votre souffle, plus proche que vos mains ou vos pieds, et concentrez sur lui toute votre activité de pensée. Qui est Dieu ? Où est le Dieu sur qui vous vous centrez ainsi ? Dieu n’est pas un grand être extérieur qu’il vous faut introduire en vous pour le présenter ensuite au monde. Dieu est le pouvoir engendré et amplifié par votre propre activité de pensée. Il est vrai que ce pouvoir existe à l’intérieur et tout autour de vous, mais il reste inopérant jusqu’au moment où l’on pense à lui en réalisant son existence. Alors il émane de vous en quantité illimitée. Vous le présentez au monde, et cette présentation apporte un bienfait au monde. Il faut que vous l’effectuiez vous-même, en prenant pour mobile de chacune de vos pensées l’impulsion vers tout ce qui est bon, l’action de Dieu le Père qui est le pouvoir d’accomplir. Alors vous êtes Dieu accomplissant la perfection, Dieu le Père, le laboureur, l’amplificateur et le projecteur, l’artisan réel et précis. C’est alors que les légions accourent à votre appel. Tel est Dieu, l’unique et véritable Dieu émanant de vous. Dites de tout cœur, avec respect et profondeur de pensée, que Dieu demeure dans son Saint Temple. Ce temple est votre corps pur, tel que vous le présentez, tel qu’il apparaît aujourd’hui dans sa sincérité. Vous êtes le vrai Christ qui vit uni à Dieu à l’intérieur du temple. Votre corps exalté est une demeure sainte qui inclut le monde. Vous êtes un centre d’énergie, vous recevez le Principe divin et véritable pour lui permettre de se manifester. Sachez tout cela, et vous exprimerez de plus en plus amplement le Dieu que vous êtes et que vous aimez. Vous adorerez, vous donnerez louange, et vous répandrez sur l’humanité votre amour toujours grandissant pour lui permettre de contempler le Christ, l’Homme-Dieu debout et triomphant.

     

    Alors vous direz avec la joie la plus pure :

    « Si quelqu’un a soif, qu’il entre et boive à grandes gorgées les eaux de la vie pure. Ceux qui en boivent n’auront jamais plus soif. » le pouvoir que vous utilisez de la sorte c’est Dieu.

    Or, le Fils accomplit promptement tout ce que fait le Père. Cela implique l’humilité. Il faut s’incliner devant ce grand pouvoir. La vraie humilité s’avance d’un air modeste, unie à la puissance qui la fait agir. Contemplez, louez, bénissez, et remerciez ce pouvoir, vous en accroîtrez l’afflux et l’efficacité, et il vous sera plus aisé d’être en contact avec lui.

    C’est pourquoi je vous dis de prier sans cesse. Votre vie, courante doit être une prière constante. On devient pleinement conscient de ce pouvoir d’abord en sachant qu’il existe, puis en l’utilisant en toute confiance. Il est universel. Laissez-le se manifester, et il affluera vers vous en toutes circonstances. Il afflue dans la mesure où vous le répandez. Présentez vous donc comme Dieu, et distribuez-le.

    Il est « Dieu votre Père en vous », et vous ne faites qu’un avec le Père. Vous n’êtes pas des serviteurs mais des fils, des enfants de la Cause première. Tout ce que je possède « JE SUIS » vous appartient, car vous êtes « JE SUIS ». Ce n’est pas moi qui fais le travail, c’est « JE SUIS » dans le Père. Et le Père en moi produit le grand accomplissement. Quand vous travaillez en communion consciente avec le Père, il n’y a plus de limitations ni de frontières. Vous connaissez votre droit divin d’accomplir toutes choses. Suivez-moi dans la mesure où je suis le Christ, le vrai fils, le Fils unique engendré par le Père. En présentant Dieu, je le fais vivre du dedans pour que l’on puisse dire un jour : « Tous sont Dieu ».

     

    Le plus grand sermon de tous les temps, c’est : « Regardez Dieu. »

    Cela veut dire voyez Dieu dans toute sa splendeur à l’intérieur de vous-mêmes, émanant de vous et de chacun.

    Quand vous regardez Dieu et ne voyez rien d’autre, vous aimez Dieu et vous l’adorez seul.

    Alors vous voyez vraiment Dieu.

    Vous êtes le Seigneur, le Législateur, le Dispensateur de la Loi.

    Quand vous priez, retirez-vous dans la chambre secrète de votre âme, et là, priez le Père qui est au-dedans. Il vous entend et vous donnera publiquement votre récompense. Priez, et remerciez d’être capables de répandre davantage  Dieu sur le monde. Cela ne vous donne-t-il pas une vue plus élevée, une perspective plus vaste, un idéal plus noble ?

     

    L’entretien prit fin ici, et nous nous levâmes tous de table. Nos amis nous souhaitèrent bonne nuit et s’en allèrent. Nous restâmes encore quelque temps à parler de toutes ces expériences et décidâmes de retourner à nos logements du village. En nous levant, nous nous posâmes immédiatement la question suivante : Comment trouverons-nous notre chemin sans lumière ?

    Chacun de nous sauf Thomas formula la même pensée. Mais Thomas dit : Voyez comme nous sommes engoncés dans nos vieilles habitudes et comme nous nous attachons désespérément à nos anciennes idées. Nous sommes ici complètement immergés dans une lumière qui n’a nullement diminué après le départ des amis qui nous sont devenus si chers.

    N’est-ce pas l’occasion de nous avancer et de montrer que nous comptons sur nous-mêmes, sur notre pouvoir intérieur d’accomplir les mêmes œuvres qu’eux ? Essayons du moins d’y tendre et ayons le courage de faire un pas vers l’accomplissement. Nous nous appuyons si pesamment sur nos merveilleux amis que nous ressentons une sorte de blessure dès que nous les quittons un instant.

    Si nous ne devenons pas indépendants dans l’accomplissement des petites choses, nous n’aboutirons jamais dans les grandes. Je suis certain qu’ils nous ont quittés pour nous offrir l’occasion de prouver nos capacités. Élevons-nous au-dessus des difficultés et triomphons-en. Avant de partir, l’un de nous suggéra qu’il serait bon de méditer d’abord sur la manière d’opérer. Mais Thomas répliqua d’une voix ferme : Non. Si nous partons, nous partirons de suite.

    Après les signes que nous avons vus et les événements auxquels nous avons participé, il faut que nous agissions résolument, ou alors nous ne méritons plus aucune considération. Sur quoi, nous descendîmes les escaliers, passâmes par les diverses salles, franchîmes le tunnel, descendîmes l’échelle, et nous rendîmes au village. Tandis que nous marchions, notre chemin était complètement éclairé. Nos corps ne pesaient plus rien. Ils se déplaçaient avec une facilité extrême et nous arrivâmes à nos logements, fous de joie de cette réussite. À partir de ce moment-là et jusqu’à notre départ du village, nous pûmes aller de nuit où nous voulions sans lumière artificielle. Nos chambres à coucher  s’éclairaient dès que nous y entrions et rayonnaient d’une chaleur et d’une beauté indescriptibles. Nous nous endormîmes presque aussitôt et ne nous réveillâmes que fort tard dans la matinée. 

    3.2. Menaces sur le village de la Croix en « T ». Colère d’un Maître. - Vaines négociations avec les bandits

    Le lendemain matin, nous prîmes notre petit déjeuner à l’auberge, puis nous montâmes directement à la salle supérieure du temple. Nous n’y aperçûmes aucun signe extérieur permettant de concevoir que nous étions renfermés dans une salle, ni aucun indice de limitation. Nous nous déplaçâmes donc librement sans le moindre effort.

    Quand nous fûmes prêts à descendre dans la salle des documents, nous nous y trouvâmes immédiatement. Comme nous avions accompli ce déplacement instantanément et hors de la présence de nos amis, nous comprîmes la leçon, de leur départ et fûmes très fiers de notre réussite.

    Le premier avril approchait rapidement. Nous avions fini la traduction des documents et entrepris de dessiner à la cote les nombreux caractères et sculptures creusés à l’extérieur dans les rochers. Ce travail fut exécuté dans les meilleures conditions à cause de l’intérêt passionné que nous y prenions.

    Un après-midi, un messager arriva au village. À la manière dont les villageois se réunirent autour de lui, nous comprîmes qu’il s’agissait d’un événement extraordinaire. Nous quittâmes notre travail et descendîmes au village. Nous y rencontrâmes notre hôtesse qui nous informa qu’un important groupe de brigands se trouvait à quelque distance en aval dans la vallée. Cela causait un grand malaise parmi les habitants, car depuis de nombreuses années les tentatives de raids des brigands avaient toujours convergé vers ce village.

    Le bruit s’était répandu au loin que le Temple de la Croix en « T » cachait un fabuleux trésor. Les nombreuses tentatives de pillage du village avaient jusqu’ici échoué, et les bandes de brigands attribuaient en grande partie ces échecs à la résistance des paysans qui vivaient en aval.

    Aujourd’hui, plusieurs de ces bandes s’étaient groupées pour réunir leurs forces. Une véritable petite armée de quatre mille hommes bien montés et fortement armés était en train de piller et de dévaster la vallée pour briser la résistance des habitants les plus proches du village de la (265)

    Croix en « T ». Les bandits espéraient que par cette méthode leur raid aurait plus de succès que les précédents. Le messager appelait également au secours de la part du reste des habitants, car un grand nombre d’entre eux avaient déjà été massacrés, et les autres étaient à bout de résistance.

    Notre hôtesse lui répondit que personne dans le village n’était disponible pour descendre dans là vallée. Elle l’assura qu’il pouvait retourner chez lui et que nul mal n’arriverait aux gens de son entourage. Nous reprîmes notre travail tout en ayant conscience du malaise des villageois, malaise que nous partagions dans une certaine mesure.

    Le lendemain matin, nous retournâmes encore à notre travail, désireux que nous étions d’achever nos dessins cotés pour compléter notre propre documentation. Nous étions certains d’y trouver la relation complète et exacte de certains événements historiques, ainsi que des références à d’autres sources de documentation.

    L’ensemble devait nous permettre de retracer l’histoire de cette civilisation ancienne et extrêmement avancée ainsi que celle du peuple qui avait occupé cette vaste partie du monde maintenant si désertique. L’éventualité de perdre le fruit de notre travail dans une bataille avec les bandits nous troublait énormément.

    Nous rassemblâmes tous nos papiers dans la salle des documents du temple, qui avait résisté à une série de raids similaires. Dans la soirée, nous envisageâmes avec notre hôtesse de tirer des plans pour venir en aide aux villageois. Nous exprimâmes notre surprise de ne pas voir nos amis.

    Elle nous dit qu’après l’appel au secours du messager, les bandits seraient obligés d’interrompre leur raid sous peine de se détruire eux-mêmes. Ce soir-là nous allâmes nous coucher avec le sentiment bien net que nos craintes pour notre propre sécurité étaient fortement exagérées.

    Le lendemain, nous nous levâmes de bonne heure et nous nous disposions à reprendre notre travail, quand le même messager réapparut. Il apportait la nouvelle que les raids contre les habitants avaient cessé et que les brigands avaient concentré la totalité de leurs forces à environ trente-cinq kilomètres en aval, probablement en vue d’une ultime action contre notre village.

    Tandis que notre hôtesse s’entretenait avec le messager, déjà entouré d’un certain nombre de villageois, un cavalier entra dans le village et se dirigea vers nous. Sur son chemin, il passa près de petits groupes d’habitants qui parurent le

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    reconnaître et se dispersèrent immédiatement comme saisis de terreur. Tandis que le cavalier s’approchait de nous, le messager prononça son nom, puis s’enfuit aussitôt avec les autres villageois, craignant évidemment que les bandits ne suivissent de près le cavalier. Nous restâmes donc seuls avec notre hôtesse à attendre son arrivée. Il tira sur les rênes de son cheval et s’adressa à Thomas avec beaucoup de brio, l’informant que les bandits savaient parfaitement que nous étions des étrangers et connaissaient l’objet de notre mission. Il avait parlé dans une langue totalement incompréhensible pour nous.

    Voyant notre perplexité, il demanda s’il n y avait pas d’interprète. Notre hôtesse se tourna de manière à faire face au cavalier encore à cheval et lui demanda si elle pouvait rendre ce service. À peine l’eut-il regardée qu’il parut recevoir une violente commotion électrique.

    Cependant il se ressaisit suffisamment pour sauter à terre avec élégance et, se précipitant les mains tendues vers elle, il s’écria : « Vous ici ? » dans le langage que nous comprenions. Puis il porta les deux mains à son front et s’agenouilla devant elle en demandant pardon. Notre hôtesse lui donna l’ordre de se lever et de délivrer son message. Nous la vîmes se raidir, et pendant un instant son visage s’empourpra de colère. Elle fit montre d’une émotion si violente que le cavalier en fut épouvanté. Il en fut de même pour nous au point que nous perdîmes tous contenance. Les mots « lâche, assassin, avance et donne ton message » Jaillirent des lèvres de notre hôtesse avec une telle violence que l’homme tomba à genoux. À nouveau elle le flagella de ces paroles : « Lève-toi, es-tu trop vil pour te tenir debout ? » " Nous ne fûmes pas surpris de la terreur abjecte du cavalier, car nous étions comme lui absolument cloués au sol.

    Je suis certain que si cela lui avait été humainement possible, il se serait enfui à toutes jambes. Pour l’instant, il était comme nous-mêmes incapable de faire un geste ou de prononcer une parole. Il tomba à terre telle une loque, les yeux exorbités et la bouche grande ouverte.

    Dans nos relations avec les Maîtres doués de pouvoirs supérieurs, ce fut l’unique fois où nous eûmes l’occasion de voir l’un d’eux extérioriser une violente émotion. Nous étions aussi terrifiés que le bandit. Les vibrations de la voix de notre hôtesse nous frappèrent physiquement comme le heurt d’une explosion formidable accompagné d’un choc  électrique paralysant non seulement notre voix mais tous nos muscles.

    Je ne trouve pas d’autres mots pour décrire nos sensations. Le lecteur s’étonnera peut-être que les vibrations émanant du corps mince, léger et frêle de notre hôtesse fussent capables de nous réduire à l’impuissance, mais le fait était là. Bien que cette situation n’eût duré qu’un instant, il nous parut que des heures s’étaient écoulées avant la détente. Nous étions figés comme des statues et cependant inondés d’une grande pitié pour le bandit. Nous ressentions le vif désir de lui porter aide et assistance.

    Ce fut notre réaction à tous, mais en fait nous restâmes debout à regarder notre hôtesse avec des yeux fixes. Soudain tout changea. Son visage manifesta d’abord un peu d’effroi, puis son expression se transforma et reprit sa grâce coutumière. Nous fûmes submergés par une vague de compassion si puissante que nous nous précipitâmes vers le corps gisant à terre. Notre hôtesse se pencha aussi sur le brigand et lui tendit la main. Nous fûmes à nouveau stupéfaits et ne pûmes que dire : « Les miracles ne cesseront-ils donc jamais ? »

    L’homme reprit bientôt conscience. Nous l’aidâmes à se lever et nous l’installâmes aussi confortablement que possible sur un banc du voisinage. Il refusa absolument d’entrer dans une maison quelconque. Notre hôtesse, remarquant alors l’effet qu’elle avait produit sur nous, s’excusa de sa véhémence. Nous étions encore tremblants et il nous fallut quelque temps pour reprendre contenance.

    Elle expliqua que cet homme était le chef de la bande de brigands la plus notoire qui infestait cette portion du territoire de Gobi. Les rares personnes qui osaient prononcer son nom ne le faisaient qu’avec effroi en raison de son caractère bien connu de brutalité impitoyable. Son surnom familier traduit littéralement signifiait : « Parfait démon noir relâché de l’enfer. »

    En maints endroits on avait fait de lui des masques dont on se servait dans les rites d’exorcisme pour chasser le mauvais esprit des villages et de leurs habitants. Notre hôtesse avait déjà été en contact avec cet homme à l’occasion de deux raids manqués. Il avait chaque fois manifesté une haine profonde à son égard et vis-à-vis de nos amis en général. Il s’écartait de son chemin pour les harceler et leur envoyer de temps à autre des messages de violence dont les Maîtres ne faisaient d’ailleurs aucun cas.

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    Son apparition subite avait remémoré à notre hôtesse les actes indignes de son passé avec une telle netteté qu’elle avait pendant un instant perdu son sang-froid. Mais elle n’avait pas tardé à le recouvrer et s’avança vers l’homme. À son approche, il fit une vaine tentative pour se lever mais ne pût faire mieux que de se ramasser un peu et de s’asseoir un peu plus droit, offrant l’image d’une abjecte terreur.

    La haine ressortait de tous les mouvements de son corps, qui tremblait, comme frappé de paralysie. Notre hôtesse présentait avec lui un contraste extraordinaire, car elle avait retrouvé son calme et ne présentait plus trace de crainte ni d’émotion. Les traits de son visage étaient aussi fins que le carnée le plus délicat, et son corps était merveilleusement taillé. Il nous vint à l’idée d’emmener l’homme. Avant que nous ayons pu parler, notre hôtesse avait lu dans nos pensées et levait la main pour demander le silence.

    Thomas comprit qu’elle prenait la responsabilité de la situation et que tout ce que nous ferions n’aboutirait qu’à la placer dans une position équivoque. Nous nous retirâmes donc à quelque distance. Elle parla à l’homme d’une voix basse et tranquille pendant assez longtemps avant d’obtenir une réponse. Quand il commença à répondre, notre hôtesse nous fit signe d’approcher. Nous nous assîmes à terre devant eux, heureux de pouvoir faire un geste susceptible d’amener une détente. Le bandit expliqua qu’il avait obtenu de ses chefs l’autorisation de venir comme émissaire pacifique pour négocier la reddition du trésor présumé caché dans le Temple de la Croix en « T ».

    Si les habitants voulaient donner le trésor, les bandits promettaient de ne plus les molester et de relâcher tous les prisonniers dont le nombre d’après lui dépassait trois mille. Ils promettaient également de quitter le pays et de ne plus jamais faire de mal aux habitants de la vallée. Notre hôtesse lui expliqua qu’il n’existait dans le temple aucun trésor offrant un intérêt quelconque pour les bandits.

    Elle lui donna des explications détaillées et lui offrit de le mener à travers toutes les salles du temple ou à tout autre endroit qu’il désirait. Il refusa sèchement, craignant d’être retenu comme otage. Aucune assurance de notre part ne réussit à le rassurer. Notre hôtesse lui réaffirma notre sincérité, et il fut soudain convaincu de notre honnêteté.

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    Mais il se trouva alors dans une situation difficile et alarmante pour lui. Il était l’instigateur du complot. C’était lui qui avait enflammé l’imagination des autres bandits d’une grande ardeur pour s’emparer du trésor. Il leur avait fait une peinture alléchante des richesses fabuleuses qui leur reviendraient en cas de succès. En fait, c’était la promesse du trésor qui avait permis à son père et à lui-même de maintenir la cohésion de leur bande. Il était le chef d’une des cinq bandes groupées pour l’exécution du raid. La situation en arrivait à un point crucial. S’il retournait vers sa bande avec la nouvelle qu’il n’y avait pas de trésor, on le flétrirait immédiatement comme traître et on le traiterait en conséquence. Il ne pouvait donc empêcher la bande de passer à l’attaque, car après tous les efforts qu’il avait faits pour pousser les préparatifs jusqu’au stade actuel, on n’aurait plus confiance en lui. Sa position était vraiment embarrassante. À notre grande surprise, notre hôtesse s’offrit à l’accompagner à son camp. Elle fit bon marché de nos protestations et se prépara à partir immédiatement. Elle nous assura qu’elle ne courait aucun danger si elle allait seule, mais que si nous l’accompagnions notre présence inspirerait de la suspicion aux bandits et nous mettrait tous en péril. Nous nous inclinâmes humblement. Il n’y avait rien d’autre à faire. L’homme enfourcha son cheval, et nous aidâmes notre hôtesse à monter en croupe sur une deuxième selle toute préparée. Le couple sortant du village offrit à nos yeux un spectacle inoubliable qui vivra dans nos mémoires jusqu’à la fin des siècles : le bandit dont tous les traits exprimaient le doute, et notre hôtesse se retournant pour nous sourire en nous donnant tranquillement l’assurance qu’elle serait rentrée au début nuit. Pendant le reste de la journée nous n’eûmes plus de goût au travail, et jusqu’au coucher du soleil nous errâmes sans but autour du village. Nous retournâmes ensuite à l’auberge pour attendre le retour de la voyageuse. En entrant, nous trouvâmes la table chargée de mets succulents.

    Le lecteur imaginera notre étonnement quand nous vîmes, assise à une extrémité de la table, notre hôtesse qui nous dévisageait avec le sourire radieux qui lui était propre. Nous en restâmes cois. Elle prit un air de dignité moqueuse et dit avec un semblant de sérieux : « Messieurs, on souhaite généralement le bonjour en entrant. » Sur quoi nous nous 

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    inclinâmes et retrouvâmes l’usage de la parole pour la saluer. Alors elle continua : J’ai complètement échoué dans mon essai de conversion des bandits, mais ils ont été d’accord pour me promettre une réponse sous trois jours. Je sais maintenant que leur réponse consistera en une tentative d’attaque, mais j’ai sauvé la vie de cette pauvre créature, du moins pour l’instant.

    Nous allons être obligés de nous préparer à résister au siège. Rien ne les empêchera de le tenter. J’imagine que chacun de nous entrevit la réalisation de ses rêves les plus chers concernant la justice immanente, avec de faibles clartés sur la manière dont celle-ci allait être rendue.

    Lisant dans nos pensées les plus intimes notre hôtesse récita ce poème :

    Quand on arrive dans la vie au bord de la mer Rouge Quand malgré tous les efforts On ne peut ni reculer ni contourner l’obstacle, Il ne reste plus qu’à le franchir. Il faut alors connaître Dieu d’une âme sereine Pour faire disparaître les ténèbres de la tempête. Dieu calme les vents. Dieu apaise les vagues.

    Va de l’avant, va de l’avant va de l’avant.

     

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