• Dès les premières leçons de Monsieur Zywny à Frédéric, celui-ci s'aperçut des dispositions extraordinaires de l'enfant : il savait déchiffrer les pages les plus difficile de Jean Sébastien Bach et sans la moindre difficulté.

    L'enfant placé devant la partition d'Hedwige, un opéra de Karol Kupsinski qui venait d'être tout juste édité, il en rendit toutes les nuances sans la moindre lecture préalable et triompha de même des Chants Historiques de Lessel et  Szymanowska dont Zywni lui apportait la brochure toute fraîche. Ce qui étonnait encore plus le  brave homme c'était l'aisance avec laquelle Frédéric improvisait, il pouvait le faire pendant des heures tandis que ses petits pieds atteignaient à peine les pédales et ses petites mains les extrémités du clavier.

    Nicolas, son père et son maître de musique lui donnait un thème : par exemple un paysan qui revenait de son champ au printemps dans les campagnes polonaises.

    L'enfant, très sérieux entamait des accords, deux ou trois, très équilibrés et il édifiait sa composition jusqu'à ce qu'il la trouva suffisamment pure. On y entendait un la Majeur, une note isolée (souvent le La) qui vibrait toute une mesure sous le doigts autoritaire et précis de l'enfant après un friselis d'échos mourants, un croquis sonore : le visage de l'enfant était toujours grave mais il y avait l'annonce d'un sourire aux lèvres et tout à coup le miracle se produisait, sous forme d'un déluge de notes aiguës, d'une brassée de rythmes alternés qu'il ramassait, disosait, superposait à sa guise, avec une dextérité et une justesse stupéfiantes ; parfois un grondement jaillissait sous les doigts de sa mains gauche et sa main droite semblait s'acharner à le couvrir sous des cascades folles de sons dorés, cuivrés, arnachés comme chevaux de princes.  Des silences subits, des reprises haletantes,... de temps en temps le thème principal revenait, plus suggéré que redit, et tout empli maintenant par son contexte d'une signification nouvelle qui bouleversait Nicolas et Zywny.

    Sa maman, son papa, Zywny se regardaient avec une angoisse émerveillée : dans quelle zone mystérieuse de l'enfant allait-il puiser ces grandes douleurs, ces éternelles questions déchirantes, ces incoercibles sanglots qui sont la substance même de la condition de l'homme et qui sont la substance même de la condition humaine et la seule façon qu'il ait de réagir aux ukases de son destin.

    Ce visage sur lequel se reflétait tout un tumulte de souffrances et de presciences désenchantées était celui d'un enfant de sept ans...   Il y avait de quoi être effrayé.

    Et il y avait de quoi crier au prodige !

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